Un jeune étudiant devant la justice pour avoir organisé un rassemblement en pleine période Covid
Une affaire d'un temps révolu. Le procès d'un jeune homme se tenait ce mercredi devant le Tribunal cantonal. Il est poursuivi pour avoir organisé un grand rassemblement, qui a dégénéré, en pleine pandémie.

Il était tout juste majeur, 18 ans et 43 jours, lorsque les faits se sont déroulés. En mars 2021, alors que la pandémie de coronavirus battait son plein et que les rassemblements de plus de quinze personnes étaient interdits, un jeune étudiant sédunois lance un défi à une dizaine de ses contacts. "Imaginez s'il y a 600 personnes à la Planta, je me tatoue les fesses", indiquait le message. Le prévenu a demandé à ses amis de propager l'information auprès de tiers, notamment au sein de plusieurs collèges valaisans. Selon l'acte d'accusation, le prévenu était pleinement conscient que l'Ordonnance Covid-19 n'allait pas être respectée et qu'un tel attroupement était susceptible de dégénérer.
Le 1er avril 2021, dans l'après-midi, plusieurs centaines de jeunes – entre 300 et 350 – se réunissent dans le calme sur la Place de la Planta, à Sion et sur le jardin public attenant. Au fur et à mesure de la soirée, la foule grandit, le nombre de participants double. Des casseurs se mêlent à la fête. Des affrontements éclatent entre quelques participants et les forces de l'ordre. Des projectiles sont envoyés sur les agents. Certains tentent de forcer le cordon de sécurité mis en place. La police réplique avec des gaz lacrymogènes pour dissoudre le rassemblement non autorisé. Tout rentre dans l'ordre vers 23 heures. La manifestation fera la une de la presse.
Instigation à une émeute
L'organisateur du rassemblement est rapidement retrouvé. Il est reconnu coupable en première instance, devant le Tribunal de Sion, d'émeute, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires par une foule ameutée et contravention à l’ordonnance COVID-19 situation particulière. Il écope d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis pendant 2 ans, et d'une amende de 200 francs.
Il fait appel de sa condamnation du 16 octobre 2023. Son second procès s'est tenu ce mercredi devant le Tribunal cantonal. Signe, peut-être, que le soufflet de cette affaire est retombé, le Ministère public a renoncé à participer aux débats de deuxième comparution.
Oui pour l'ordonnance Covid, non pour l'émeute
D'emblée, le prévenu reconnaît sa responsabilité dans l'organisation de l'événement. "Je conteste les chefs d'accusation, sauf celui sur l'Ordonnance Covid-19", explique le jeune homme lors de son interrogatoire devant le juge cantonal. Il assure qu'un groupe de casseurs s'est mêlé à la fête. "Il n'a pas instigué les gens à l'émeute, ni à commettre des affrontements avec la police", défend son avocat, Guillaume Salman. "Mon client est un bouc émissaire" ajoute-t-il.
Les débats du jour ont porté essentiellement sur l'emploi du temps du prévenu au moment des affrontements avec les forces de l'ordre. Le jeune étudiant affirme avoir quitté la Place de la Planta pour se rendre dans la vieille-ville. Bloqué par la police, il est contraint de faire demi-tour. "Je ne me suis pas arrêté sur la Place de la Planta à mon retour", se défend-il. "Comment peut-on reprocher à mon client d'avoir ameuté une foule alors qu'il se trouvait à l'extrême opposé de la Place de la Planta", se questionne Guillaume Salman. "Le Ministère public a échoué à démontrer que mon client a instigué une foule ou a participé aux affrontements avec la police", poursuit-il, en dénonçant une procédure bâclée et un dossier vide.
Pour preuve, l'avocat de la défense rappelle les six ordonnances pénales prononcées à l'encontre des faiseurs de troubles pour des jets de bouteilles ou de verres. "Mon client n'a pas commis de tels gestes. Il n'y a aucun lien entre la foule ameutée et mon client", insiste Guillaume Salman.
Dans sa plaidoirie, l'avocat rappelle que son client reconnaît les faits liés à l'Ordonnance Covid-19. "Ce défi est ridicule, mais il n'est pas pénal", s'offusque la défense. "Si vous prenez le risque de condamner mon client, vous devez condamner les 600 personnes présentes sur la Place de la Planta", lance Guillaume Salman à la cour.
Une erreur de jeunesse
L'avocat répète que son client avait 18 ans et 43 jours au moment des faits : "une période d'insouciance, une envie de faire la fête". Guillaume Salman ajoute que son client n'a pas de casier judiciaire, hormis la procédure en cours. "C'est son seul pépin", appuie-t-il. Désormais aux études à l'Université de Genève, le prévenu est assidu au travail, assure son avocat.
La parole revient à l'accusé. Le prévenu, âgé aujourd'hui de 22 ans, se lève et prend la parole. Il assure avoir pris conscience de sa responsabilité dans la violation de l'Ordonnance Covid-19. "J'avais conscience du risque sanitaire. Mes parents travaillent dans le milieu de santé", explique-t-il. "Je regrette", poursuit le jeune homme. Il rappelle que 1er avril 2021 marquait le début des vacances de Pâques et que les étudiants des collèges sédunois et des écoles de commerce avaient pour l'habitude de se réunir sur la Planta. "Des gens cagoulés se sont ajoutés au rassemblement, avec des intentions d'en découdre", affirme-t-il. "En aucun cas, je n'ai participé à ce groupe de casseurs", insiste-t-il.
Le prévenu revient aussi dans un moment d'émotion sur sa vie au moment des faits. Il avoue avoir vécu un semestre compliqué, marqué par un échec scolaire. Ses parents sur le front pour combattre la pandémie de coronavirus, il se retrouve souvent seul à la maison avec son petit frère. Il évoque aussi le décès d'un grand-parent. "Je n'avais pas les épaules pour porter tout ça", confie-t-il. "J'étais perdu", avoue le jeune homme.
Le verdict sera rendu ce vendredi 16 mai 2025.