Requérants d'asile déboutés: Sahar et Farid racontent leur histoire à travers une exposition
Ils vivent avec la peur quotidienne d’être expulsés. Sahar et Farid ont fui l’Iran en 2015 et vivent aujourd’hui en Valais, sans papier ni possibilité de travailler. A travers l’art et la photographie, ils organisent une expo pour montrer une autre facette de leur histoire.

Ils se battent pour sortir de l’aide sociale et obtenir le droit d'entrer dans la vie active. Eux, c’est Sahar et Farid. Mari et femme, ils ont fui leur pays natal, l’Iran, en 2015. Ils vivent aujourd’hui en Valais, avec un statut de requérant d’asile débouté, malgré leurs recours et leurs démarches. Dans la peur quotidienne de l’expulsion, ils ont choisi d’ouvrir une fenêtre sur leur histoire et leur parcours à travers une exposition. Le tout en collaboration avec d’autres requérants d’asile.
Le gouvernement iranien était un danger pour eux
Précisons que Sahar Farhang et Farid Dolabi sont tous deux photographes de profession. C’est d’ailleurs en partie leur métier qui les a poussés à fuir leur patrie. « Nos altercations avec la police et le Gouvernement faisaient partie du quotidien», raconte Sahar. « Les tensions nous poussaient à exercer notre métier de manière clandestine ».
Une situation qui s'est ensuite aggravée pour Sahar, qui a choisi de quitter l'Islam pour le christianisme. « Je ne pouvais plus croire en cette religion qui était instrumentalisée par le Gouvernement pour nous imposer ses règles. » Les altercations se sont transformées en menaces de mort.
Avec leur vie entière contenue dans un sac à dos, ils ont donc pris la route, direction la Turquie, avant d'embarquer en mer, pour la fameuse traversée jusqu’en Grèce. « Chaque fois que j'évoque cet épisode, les images me reviennent et j'en tremble encore», raconte la jeune femme. «J'ai vu des films magnifiques sur le parcours de migrants à travers la mer, mais pas un seul qui reflète la réalité » En Grèce, la vie n'est pas encore assez sûre pour ce couple iranien. «Sur place, les «chasseurs de tête» ne sont pas rares, ils nous traquent pour nous dénoncer à la police.»
Le no man's land migratoire
En 2017, Sahar parvient à gagner la Suisse, où elle passe deux ans seule, avant d'être rejointe par son mari en 2019.
D'abord titulaires d'un permis N – requérant d’asile – ils voient ensuite leur demande déboutée à deux reprises par le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM). La première fois en 2020. La seconde en 2021, six mois après le début d'apprentissage de Sahar dans un salon de coiffure. «La situation problématique de l'Iran n'étant pas visible de l'extérieur, le SEM n'a pas trouvé de raison suffisante pour nous accorder le statut de réfugiés », expose Sahar Farhang. «Mais en même temps, ils ont admis qu'ils ne pouvaient pas nous renvoyer tout de suite chez nous, parce que c'est trop dangereux.»
Aujourd’hui, Sahar entame sa dernière année en tant qu'apprentie et Farid travaille bénévolement dans un centre d’accueil pour mineurs non accompagnés. Ils bénéficient d’une aide d’urgence et sont logés à Ardon, mais ne possèdent ni papier ni de droit de gagner leur vie.
Une situation que peinent à comprendre ces deux exilés. « Le social nous a aidés à démarrer notre vie en Suisse», admet Sahar Farhang avec reconnaissance, « c'était une aide nécessaire et plus que bienvenue, mais nous ne demandons aujourd'hui qu'à travailler et permettre à d'autres de bénéficier de cette même aide, même si la politique ne nous permet pas d'accéder à ce statut de réfugié. »
Requérants d'asile, mais avant tout artistes
Malgré leur situation incertaine et précaire, ils ont choisi de s’activer pour montrer une autre facette d’eux-mêmes à la population : leur travail artistique.
Une exposition d’art toute particulière est prévue à Sion dès le 3 novembre prochain. Sur place, il s'agira de montrer leurs compétences et, en filigrane, conter leur histoire et la raison de leur présence en Suisse aujourd’hui. «Il y aura évidemment des photos de l'Iran, et de la situation que traversent les femmes iraniennes d'aujourd'hui», explique la photographe. «Mais nous avons aussi prévu une collection de clichés et de vidéos capturés en Valais. Ces paysages ont eu impact considérable sur notre inspiration.»
Côté préparatifs, le couple d'artistes a d'abord bénéficié de l’aide de leur assistante sociale. Cette dernière les a ensuite mis en relation avec d’autres requérants d’asile, d’Ukraine, d’Afghanistan et d’Arménie. «Ces artistes ont tous été obligés de quitter leur pays, et tous ont une histoire différente à raconter, sur leur culture, leur parcours artistique et leur histoire personnelle », se réjouit Sahar Farhang.
Une démarche politique
Cette dernière le concède, elle rêve aussi de faire bouger des murs politiques par leur démarche. «Mon apprentissage ici m'a appris que la politique pouvait déplacer des montagnes », observe-t-elle. «Si cette exposition nous amène à rencontrer des citoyens sensibles à notre histoire, prêts à s'engager pour changer les choses, ce serait un pari gagné.»
Le vernissage de cette exposition collective est prévue le 3 novembre au Studio NeufCinq à la rue de la Porte-Neuve 11 à Sion. Elle restera sur place jusqu’au 2 décembre.
Podcast à écouter ci-dessous:
