Quand l’infini grand s’invite à la Vidondée
À Riddes, la Vidondée a troqué les pinceaux pour les étoiles. En marge de l’exposition dédiée à Jean-Paul Faisant, une conférence de l’astrophysicienne Roya Mohayaee a plongé le public dans les grandes énigmes de l’univers, de la matière noire à la destinée cosmique.

Mercredi soir, la Vidondée accueillait un dialogue entre art et astrophysique. En parallèle de l’exposition consacrée à Jean-Paul Faisant, figure valaisanne passionnée par l’espace, Roya Mohayaee, directrice de recherche à l’Institut d’astrophysique de Paris, a été invitée à décrypter les mystères de l’univers. La scientifique confie avoir découvert l’œuvre du peintre il y a un an à peine, mais en avoir retiré un véritable enseignement : "c'était un très grand peintre, très imaginaire, visionnaire. Il avait un monde dans lequel il voyait les choses que nous, on ne voit pas." Certaines de ses toiles, comme celle consacrée à l’explosion de la supernova de 1987, résonnent directement avec les grands événements qui marquent la recherche contemporaine.
Gravité, expansion, matière noire : les piliers du mystère
Au cours de son intervention, Roya Mohayaee a retracé plusieurs jalons fondamentaux de l’astrophysique moderne. Les étoiles, tout d’abord, représentent un champ désormais relativement bien balisé : "on a les modèles qui expliquent très bien comment une étoile est née. Et on peut aussi prédire quel sera le destin d’une étoile. Globalement, on comprend bien la naissance et la mort d’une étoile."
L’univers lui-même, en revanche, reste marqué par des dynamiques plus complexes. Roya Mohayaee rappelle que son expansion est un phénomène observé : "les galaxies sont en train de s’éloigner de nous. Et si vous regardez les galaxies plus lointaines, elles s’éloignent avec une vitesse plus grande encore."
Un cadre d’analyse encore plus déroutant émerge lorsqu’on aborde la matière noire et l’énergie noire, qui constitueraient 98 % de l’univers, mais demeurent à ce jour insaisissables : "on ne l’a pas encore détectée. Ça, c’est un des plus grands défis de la physique aujourd’hui."
Un savoir en mouvement, une rupture attendue
Malgré des avancées majeures, la compréhension de l’univers reste partielle et sujette à débats. Certaines lois sont aujourd’hui bien établies, comme celles formulées par Einstein : "la relativité générale, dans l’échelle des systèmes solaires, ça marche super bien. Ça explique super bien les dynamiques des systèmes solaires." Mais ce même cadre théorique ne fait plus l’unanimité à l’échelle du cosmos.
Roya Mohayaee évoque les tensions qui persistent : "il y a, sur certaines questions, un consensus. Et sur d’autres, il y a différentes théories rivales." Deux grandes théories structurent la physique actuelle, la relativité générale et la physique quantique, mais elles demeurent incompatibles : "infiniment petit et infiniment grand, il y a deux théories qui ne collent pas ensemble." La scientifique place ainsi ses espoirs dans une future percée : "c’est exactement ça qu’on espère. Pour le moment, tout est ouvert."
Poser les grandes questions pour comprendre l’humanité
Pour Roya Mohayaee, la recherche en astrophysique ne se limite pas à une quête de données. Elle s’inscrit dans une ambition plus vaste : celle de comprendre notre place dans le monde. "Faire la connaissance de notre univers est la question fondamentale. C’est ça que fait la civilisation humaine", affirme-t-elle. Interrogée sur l’utilité concrète de son travail, elle répond sans détour : "ce ne sont pas les petites choses qui nous inquiètent quotidiennement qui intéresse la civilisation humaine. C’est le besoin des humains de comprendre d’où ils viennent et où ils vont." Elle insiste sur l’importance de ne pas se laisser intimider par la complexité apparente des choses : "il ne faut pas avoir peur. Il faut toujours poser la question." Pour elle, l’astrophysique offre une forme de recul, presque thérapeutique, face aux angoisses quotidiennes. "On voit que dans cet univers immense, nous sommes juste un grain de poussière. Donc il ne faut pas s’inquiéter pour les petites choses qu’on fait quotidiennement."