L'histoire rocambolesque d'un crash d'avion il y a 60 ans au Wildhorn
Une mésaventure qui aurait pu tourner au drame. Il y a 60 ans, un avion s'écrasait sur le glacier du Wildhorn, sans faire de blessés. Seuls deux passagers sont encore en vie aujourd'hui. Ils racontent cette histoire hors du commun.
Il y a 60 ans, le glacier du Wildhorn était le théâtre d'un accident d'avion. À 6h05, le 20 août 1965, un PC6 décolle de Sion. À son bord : sept passagers et le pilote, Bruno Bagnoud, qui vient de créer la société Air-Glaciers. Direction le Wildhorn pour un reportage photo sur les débuts de la station d'Anzère et le ski dans la région. À l'époque, une liaison câblée entre le Pas de Maimbré et le sommet du glacier du Wildhorn est envisagée.
En 1965, les avions étaient privilégiés pour la dépose sur glacier. Selon le rapport d'enquête, Bruno Bagnoud avait déjà atterri 349 fois sur un glacier, dont 22 au Wildhorn.
Ce 20 août 1965, le temps est au beau fixe. Le vol est un long fleuve tranquille jusqu'à l'atterrissage. Une fine couche de brouillard recouvre les 50 mètres au-dessus du glacier. Au moment d'atterrir, l'aile gauche de l'appareil touche la neige, l'atterrisseur s'affaisse, le ski gauche est arraché. L'avion se met à glisser sur 300 mètres.
Une longue descente vers le ravin
Durant le périple, Bruno Bagnoud saute de l'habitacle par le hublot. Le passager, assis à l'avant de l'appareil, fait de même. À l'arrière, c'est le branle-bas de combat. "Tout le monde criait : «ouvre la porte, ouvre la porte». Je n'ai jamais trouvé la poignée", se rappelle Gino Travelletti. Âgé de 17 ans au moment des faits, il est l'un des deux passagers, avec Georgy Dussex, encore en vie aujourd'hui, 60 ans après le crash. "C'était la panique dans l'avion. Quelqu'un a crié : «on va tous mourir». C'est là que j'ai commencé à avoir peur", explique Gino Travelletti. Georgy Dussex abonde : "c'était le choc. On ne savait pas ce qui nous arrivait".
L'un des passagers tente de briser le plexiglas avec son poing. Dans sa manoeuvre, il heurte avec son coude le nez de son camarade d'infortune. "C'est le seul accidenté du crash", rigole Georgy Dussex.
L'appareil s'immobilise juste au-dessus d'un ravin, surplombant les Audannes. "Je suis sorti le dernier de l'avion. Tout le monde m'a écrasé en me passant par-dessus", raconte Gino Travelletti. Dans sa mésaventure, Georgy Dussex perd ses lunettes dans l'aéronef. "L'avion bougeait toujours d'un ou deux centimètres. Gino m'a tenu pas les pieds et je suis allé à tâtons chercher mes lunettes dans l'avion", récite Georgy Dussex.
Plus de peur que de mal. Tout le monde est sain et sauf. "Je vois encore Bruno Bagnoud 100 mètres plus haut, assis dans la neige, regarder l'épave. Heureusement que l'avion s'est arrêté au bord du précipice", souffle Gino Travelletti.
Chacun prend ses jambes à son cou
Présent pour le reportage, le photographe immortalise la scène. Sur les clichés, on voit les passagers et le pilote tout sourire poser devant l'appareil fortement endommagé. "On était décontractés", assure Georgy Dussex. Bruno Bagnoud aussi. "Je lui ai dit : «tu vas avoir des emmerdes». Il m'a répondu que c'était le plus vieil avion", se remémore Georgy Dussex.
Bruno Bagnoud prend ses jambes à son cou pour rejoindre à pied la plaine et avertir les autorités. Le photographe en fait de même. Quant aux autres passagers, équipés de skis, ils rejoignent le lac de Ténéhé en skiant, puis en marchant jusqu'au barrage de Tseuzier, où ils sont pris en charge. "On a pu donner des nouvelles à nos familles", raconte Gino Travelletti. Parce que quelques minutes plus tôt, la radio suisse romande relayait sur son antenne le crash de l'avion. "Ma mère a appris à la radio l'accident d'avion, sans savoir si on était en vie", poursuit-il.
Une croix au Wildhorn et les débuts de la cabane des Audannes
Une dizaine d'années après le crash, à l'initiative de Georgy Dussex, une croix est installée au sommet du Wildhorn, à 3'248 mètres d'altitude. "La croix a été amenée bien évidemment par Air-Glaciers", sourit Georgy Dussex. Après son inauguration, les participants partagent une agape sur le site des Audannes, où la cabane sera érigée quelques années plus tard. "On s'est dit qu'il fallait qu'on fasse une cabane", explique-t-il.
60 ans après le crash, la mémoire de Gino Travelletti et Georgy Dussex est intact, le projet de téléphérique a été abandonné, le glacier a reculé et l'hélicoptère est désormais privilégié pour déposer les skieurs.