Face à un morcellement extrême, Evolène lance un remaniement "virtuel" des terres agricoles
Evolène se lance dans un remaniement parcellaire par exploitation. Un outil qui permet de redistribuer par lots les terres agricoles sans modifier la propriété foncière. Le projet est une réponse au morcellement extrême du territoire évolénard.
Evolène se lance dans un remembrement de ses terres agricoles. Avec 13'500 parcelles pour 1'800 propriétaires, la commune du Val d'Hérens fait face à un morcellement extrême. Seulement 17,5% des terres exploitées sont en propriété des exploitants eux-mêmes. Autre problématique : la surface moyenne par parcelle ne dépasse pas les 804 mètres carrés, forçant les exploitants à jongler avec des centaines de petites unités, parfois éloignées les unes des autres. "Les partages familiaux ont eu tendance à diviser les parcelles. Aujourd'hui, certains terrains sont des mouchoirs de poche", constate Virginie Gaspoz Chevrier, présidente d'Evolène.
Le morcellement engendre une perte de temps, une gestion administrative complexe, une mécanisation quasi impossible et une augmentation des coûts. En résumé, une perte de rentabilité.
Un remembrement "virtuel"
Dans ce contexte, la commune d'Evolène, par l'impulsion de sa commission agricole, a lancé un remaniement parcellaire d'exploitation (RPE). Le projet consiste à réorganiser les terres agricoles en lots cohérents sans modifier la propriété foncière. Concrètement, les parcelles restent en main de leur propriétaire, mais sont mises à disposition d'un syndicat, qui redéfinit géographiquement les terres et les redistribue en lots aux exploitants. "Ce remembrement a la particularité d'être quasiment virtuel", compare Virginie Gaspoz Chevrier.
Lors de la redistribution des terres, le syndicat veillera à répondre aux besoins et envies de chaque exploitant. Dans la mesure du possible, les propriétaires qui exploitent leurs propres parcelles, devraient se voir maintenir leurs terres. "On va faire la répartition en bonne intelligence, en respectant le dialogue", insiste la présidente d'Evolène.
Les terrains en zone à bâtir sont exclus de la redistribution. Pour les autres parcelles agricoles, la vente sera toujours possible malgré le remembrement et le contrat d'exploitation prévu sur 12 ans. "Tous les exploitants garderont au moins la même surface qu'auparavant", assure Virginie Gaspoz Chevrier. "Un exploitant sera toujours intéressé à acquérir", ajoute l'élue.
Côté financement, les propriétaires fonciers recevront une indemnisation de départ pour la mise à disposition des parcelles au syndicat et une rémunération annuelle. L'idée est de tendre vers une rétribution équitable. Jusqu'ici, certains exploitants versaient des locations, mais dans la plupart des cas, des contre prestations étaient négociées : un fromage ou un bout de viande contre l'exploitation du terrain.
Un sujet hautement sensible
Le projet est en consultation jusqu'à ce lundi 14 juillet 2025. Il doit encore être soumis au vote auprès des propriétaires et exploitants. Le scrutin devrait se tenir d'ici la fin de l'année. Reste que le résultat est incertain. Le sujet est sensible. "Un projet qui aurait touché au foncier, en changeant les règles de propriété, n'aurait eu aucune chance", reconnaît Virginie Gaspoz Chevrier. "Ici, le propriétaire reste propriétaire. Ce qu'on offre, c'est un avenir pour l'agriculture de montagne à Evolène", poursuit-elle.
La commune hérensarde a en tête le récent échec du remembrement viticole à Savièse. Les propriétaires saviésans ont refusé le projet, qui prévoyait un changement de la structure foncière. "On tire les enseignements de ce qui s'est passé à Savièse", indique Virginie Gaspoz Chevrier. Elle rappelle toutefois que le modèle évolénard est différent, sans modification foncière. "Pour autant, on change les règles, on ne pourra plus choisir son exploitant, on délègue ce choix au syndicat", souligne la présidente de commune. Si la réforme est moins radicale qu'à Savièse, elle bouleverse quand même les équilibres.