Didier Berthod : "Jésus de Nazareth est très probablement une fiction"
Après quinze ans dans les ordres, l’ancien grimpeur devenu prêtre publie un ouvrage dans lequel il soutient que Jésus de Nazareth n’a probablement jamais existé.

Le valaisan Didier Berthod a d’abord été grimpeur professionnel. Une figure marquante dans le monde de l’escalade, qu’il quitte en 2006 pour entrer dans une communauté catholique, Eucharistein, près de Saint-Maurice. Il y vit cinq ans dans une forme de retrait quasi monastique. Il entame ensuite des études de philosophie et de théologie à Fribourg, passe par l’école Philanthropos, puis la faculté de théologie. En 2018, il est ordonné prêtre, après avoir été diacre l’année précédente.
Il exerce comme prêtre de paroisse en France et en Suisse, tout en menant des recherches personnelles sur les origines du christianisme. C’est ce travail intellectuel, commencé seul puis approfondi à l’université, qui ébranle peu à peu ses certitudes. "Ça m’a conduit de manière très déstabilisatrice, à remettre en doute le fait que Jésus de Nazareth ait existé." En 2022, il quitte l’Église. Il insiste : il ne s’agit pas d’un rejet du divin. "Ce n’est pas une perte de foi. Je précise bien que je ne suis pas devenu athée." Ce qu’il abandonne, c’est la foi spécifiquement chrétienne et catholique, fondée, selon lui, sur une figure fictionnelle.
Reconstruction et paternité tardive
La sortie des ordres est brutale. Il évoque un moment d’isolement extrême, presque une honte sociale. "Tu quittes une identité. Moi, je quittais quinze ans de ma vie. C’est très humiliant de repartir à zéro à 40 ans." Pour l’entourage chrétien, ce départ est vécu comme une trahison. "C’est commettre une faute. C’est être comparable à Judas." Mais il reçoit aussi des soutiens inattendus, de fidèles.
Peu après cette rupture, Didier Berthod quitte la Suisse pour le Canada, dans l’espoir de se rapprocher de sa fille, aujourd’hui majeure, qu’il n’a pas connue pendant ses quinze premières années. Il parle d’un train déjà parti : "Je me retrouve à la gare, et je ne sais pas si c’est rattrapable." Cette tentative de reconnexion s’inscrit dans un processus plus large : se réconcilier avec lui-même, avec son corps, ses émotions. Longtemps, il dit avoir vécu uniquement dans sa tête
Un livre "choque"
Trois ans après son départ, Didier Berthod publie "Et si Jésus de Nazareth n’avait jamais existé ?". Un ouvrage qu’il présente comme un "coming-out", longtemps retenu. Lorsqu’il quitte l’Église, il explique à ses paroissiens qu’il n’a plus la foi, mais n’ose pas dire ce qu’il pense vraiment : qu’il doute de l’existence même de Jésus. "Je ne pouvais pas simplement dire : “Voilà, je ne crois plus en Jésus.” C’était beaucoup plus complexe. Le livre vient donc combler ce silence. Pas pour choquer, mais pour expliquer". Il précise qu’il ne s’adresse pas aux croyants convaincus, qu’il invite même à ne pas le lire. Il écrit pour celles et ceux qui se posent des questions et qui "n’ont pas peur d’être bousculés".
Sa thèse repose sur l’étude des textes du Ier siècle. Selon lui, les lettres de Paul et d’autres écrits chrétiens anciens ne parlent jamais d’un Jésus humain, mais uniquement d’une figure céleste connue par révélation. Les Évangiles, quant à eux, seraient des constructions littéraires, bâties sur des modèles bibliques comme Moïse, David ou Élie. "Ce sont des fictions littéraires", souligne-t-il.
Une excommunication en attente
Si son départ de l’Église a été acté, sa situation canonique reste en suspens. "J’ai envoyé mon livre à mon évêque avant sa publication, par souci de transparence." Il dépend encore officiellement d’un évêque français, Mgr François Touvé, bien qu’il ait été ordonné en Suisse. Pour l’heure, il n’a reçu aucun retour. "C’est de la cuisine interne à l’Église catholique. Mais je n’ai pas encore de réponse." Il s’attend à une excommunication officielle, qu’il évoque sur sa page Facebook : "Sachez que ma hiérarchie est au courant de mon apostasie et de mon hérésie. Mon excommunication ne saurait tarder."