Eric Castonguay, jeune retraité du HC Sierre: "Je n'échangerais mon parcours pour rien au monde"
Une page s'est tournée à Graben au moment où la saison du HC Sierre prenait fin. Le 25 février dernier, Eric Castonguay a disputé le dernier match de sa carrière de joueur. Le Canadien de 36 ans se confie sur son parcours, ses émotions et sa reconversion au sein du staff "rouge et jaune".

Avant lui, il y a eu Jacques Lemaire, Normand Dubé, Jacques Plante, Gilles Thibaudeau, Kelly Glowa et l'inévitable duo Lee Jinmann-Derek Cormier. Quelques noms qui ont forgé l'histoire des Canadiens du HC Sierre. Une histoire dont fait aujourd'hui partie Eric Castonguay. Débarqué à Graben dans la foulée de la promotion en Swiss League à l'été 2019, le Québécois a disputé 244 matches et inscrit 242 points en cinq saisons sous le maillot "rouge et jaune". Un maillot qu'il n'enfilera plus lui qui a décidé de raccrocher les patins cette année. Interview de celui qui assumera désormais la fonction d'entraîneur-assistant dans la cité du Soleil.
Eric Castonguay, vous êtes vous fait à votre nouveau statut de jeune retraité?
Oui et non. Disons que pour l'instant, j'ai l'impression de vivre une fin de saison normale. Je pense que je réaliserai mieux au mois d'août, lorsque la préparation débutera et que je n'embarquerai pas mon équipement de joueur avec moi. À l'heure actuelle, même si on travaille déjà sur la saison prochaine avec Mario (ndlr: Pouliot, l'entraîneur) et Axel (ndlr: Canaguier, l'autre assistant), je me sens en vacances comme chaque année à la même période.
À quand remonte votre décision de dire stop?
Au début des négociations concernant mon contrat avec les dirigeants. C'était durant le mois de décembre. Ils m'ont fait comprendre qu'ils souhaitaient me garder, mais dans un rôle différent, hors de la glace. L'idée de prendre ma retraite a alors commencé à germer dans ma tête. Plus le temps passait, plus il apparaissait clair que si je voulais poursuivre l'aventure au HC Sierre, ce serait sous de nouvelles fonctions.
Avez-vous été déçu de ne pas pouvoir rempiler en tant que joueur?
Honnêtement, oui. Au début, cela a été difficile à accepter. Vous savez, à 36 ans, ma passion pour le hockey est intacte. J'aurais certainement pu tirer encore une année ou deux mais je n'ai pas voulu laisser passer l'opportunité de rester à Sierre. Quitter le club, déménager ne m'intéressait pas. Finalement, l'offre des dirigeants était trop belle pour que je la refuse.
Cette perspective de disputer les dernières rencontres de votre carrière a-t-elle rendu les playoffs plus difficiles à vivre?
Oui, c'est certain. La tristesse était immense quand tout s'est terminé. Je savais que ma carrière appartenait désormais au passé. J'ai été pro durant dix-sept ans, j'ai vécu de ma passion pendant toutes ces années, tourner la page était forcément stressant. Le scénario des playoffs n'a pas aidé non plus. Nous n'étions pas loin de mener 3-1 dans notre série face aux GCK Lions. Nous aurions très bien pu passer l'épaule. Raccrocher les patins sur une défaite 2-1 à la maison a été compliqué à accepter sur le coup, mais les jours qui ont suivi ont permis d'atténuer la douleur. Aujourd'hui, je suis heureux d'entamer une nouvelle carrière.
Hormis la tristesse, que retenez-vous de ce 25 février, date qui a vu la saison du HC Sierre prendre fin en même temps que votre carrière de joueur?
Le plus marquant pour moi a été le moment où j'ai vu ma femme et mes trois fils sur le banc juste après la sirène finale. C'était un instant inoubliable. Ils ont fait tellement de sacrifices pour moi. Je pense avant tout à ma femme qui a accepté de sacrifier sa carrière pour me suivre partout. Voir mes enfants en pleurs parce qu'ils avaient compris qu'ils ne verraient plus leur papa jouer était quelque chose de très fort. Rien que d'en reparler, j'en ai les larmes aux yeux. Dans les heures qui ont suivi ce dernier match, je me suis senti littéralement vidé.
Vous avez débuté le hockey chez vous, au Canada avant de rapidement rejoindre les Etats-Unis puis l'Europe. Vous avez joué en France, en Suède et en Norvège avant de débarquer ici à Sierre. Qu'est-ce qu'il reste au moment de refermer ce long chapitre de votre vie?
Uniquement du positif. J'ai vécu tellement d'expériences inoubliables. J'ai eu la chance de visiter, de vivre et de jouer dans de très beaux pays. J'ai des souvenirs sur la glace, mais j'en ai encore plus en dehors. Je me rappelle toutes les rencontres que j'ai fait. J'ai des amis partout où j'ai évolué. Avoir pu découvrir d'autres peuples que le mien est une richesse inestimable. J'ai un fils né en Norvège, un autre au Canada et le dernier en Suisse, c'est spécial non? Ce qui est sûr, c'est que je n'échangerais mon parcours pour rien au monde.
La présence de votre beau-père, Mario Pouliot, dans le costume d'entraîneur a-t-il facilité votre reconversion en tant qu'assistant?
Pas forcément. C'est évidemment une chance de l'avoir. On se connaît par cœur depuis vingt ans. Je sais que je vais beaucoup apprendre à ses côtés mais je pense que l'inverse vaut aussi. Devenir coach a toujours été un plan pour mon après-carrière. Indépendamment de la faire avec Mario, cette reconversion était donc naturelle pour moi.
Le HC Sierre va-t-il prendre encore plus d'importance dans les discussions lors des réunions de famille?
Cela risque bien même si on essaie de changer de disque lorsque l'on quitte la patinoire. De collègue, il redevient mon beau-père et le grand-père de mes enfants. Ce qui est certain, c'est que nous sommes deux malades de hockey. Notre passion revient donc très vite dans nos échanges (rires).
Plus que le statut de collègue avec votre entraîneur, vous allez désormais avoir un rôle d'entraîneur avec vos anciens coéquipiers. Comment l'appréhendez-vous?
Sans crainte. J'ai toujours été quelqu'un de très professionnel, qui dit ce qu'il pense. Je crois avoir le respect de toute l'équipe. Ils savent que je suis là pour les aider et je sais que je vais également apprendre d'eux. Je suis très content de pouvoir faire cette reconversion avec ce groupe de gars. L'objectif est le même pour tout le monde: emmener le HC Sierre a un autre niveau.
N'avoir jamais passé le stade des quarts de finale des playoffs est-il le gros regret de vos cinq années de joueur au HC Sierre?
Absolument. J'aurais tellement aimé pouvoir vivre une demi-finale et, qui sait, aller peut-être encore plus loin. Voir les GCK Lions disputer la finale me fait mal car je suis convaincu qu'on aurait pu être à leur place.
Mais qu'est-ce qu'il manque au HC Sierre pour enfin franchir le stade des quarts de finale?
Vous savez, la Swiss League est une ligue difficile à jouer et nous ne sommes pas le club le plus riche du championnat. Nous n'avons pas d'autre choix que de jouer donc avec nos armes. Nous devons améliorer en priorité notre jeu défensif. Avec Remo Giovannini, nous avons la chance d'avoir le meilleur gardien de la ligue, mais nous devons le protéger davantage.
Hormis votre rôle d'entraîneur-assistant de la première équipe, vous allez continuer à vous investir auprès du mouvement juniors…
C'était une volonté de ma part et je l'ai immédiatement fait savoir aux dirigeants. Si on veut développer nos jeunes et les intégrer à la première équipe, il n'y a pas d'autre recette que de s'impliquer. Ma volonté est de professionnaliser ce mouvement juniors. Et je peux vous garantir une chose: il n'existe pas de plus belle sensation que de voir un enfant embarquer sur la glace avec un sourire aux lèvres.
Pour finir, qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter à l'heure d'opérer ce grand virage dans votre vie?
Le succès du HC Sierre, de ses juniors et un maximum de plaisir.