Tribunaux : le Grand Conseil préoccupé par un système judiciaire "essentiel et sous pression"
Le Grand Conseil a discuté ce matin des rapports 2024 de la justice valaisanne. Si les efforts sont salués, le constat est unanime : le système est à bout de souffle. La réforme structurelle devient un impératif.
Un système qui tient, mais au bord de la rupture. Dans les grandes lignes, c'est le constat du Grand Conseil valaisan concernant la justice valaisanne. Il a pris connaissance mercredi matin des rapports 2024.
Le volume d’affaires ne cesse d’augmenter, avec une croissance de 6,4 % sur une année. C’est une justice qui fonctionne, ont reconnu plusieurs députés, mais une justice qui reste sous-dotée, comme l’a rappelé Jérôme Desmeules, président de la Commission de justice (COJU). Le taux de recours valaisan admis par le Tribunal fédéral se situe dans la moyenne suisse — 11,4 % — ce qui témoigne d’un système juridiquement fiable. Mais le rythme de traitement reste lent : "certaines affaires civiles traînent depuis plus de dix ans", a souligné le député Éric Pitteloud (Le Centre). En matière pénale, le retard dans le traitement des affaires inquiète, notamment en raison des risques de prescription.
Des signaux d’alarme clairs et répétés
Les rapports font état de tensions dans pratiquement tous les secteurs. Le Ministère public dénonce une surcharge chronique, avec des affaires de plus en plus complexes, en particulier dans la sphère familiale. Les procureurs travaillent jour et nuit, mais l’effectif n’est plus suffisant pour faire face. Dans les tribunaux de district, le déséquilibre entre les charges pénales et civiles devient structurel.
Le Tribunal des mesures de contrainte, pour sa part, déplore le manque de places pour les mesures thérapeutiques, au point que certains cas pourraient constituer un traitement inhumain au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Tribunal des mineurs alerte de son côté sur l’absence de solutions pour les garçons nécessitant un placement en institution fermée ou souffrant de troubles psychiatriques sévères.
Sept priorités pour éviter l’asphyxie
Dans son allocution, Jérôme Desmeules a appelé à transformer les constats en actions. Il a notamment insisté sur la nécessité urgente de créer un établissement valaisan pour l’exécution des mesures thérapeutiques institutionnelles. L’absence d’une telle structure empêche une prise en charge adaptée et compromet la réinsertion des personnes concernées. Il a également plaidé pour le déploiement immédiat des postes de police cantonale qui restent vacants — seuls 12 des 40 postes promis en 2021 ont été pourvus. L’usage des bodycams, actuellement bloqué faute de base légale, devrait aussi faire l’objet d’une réflexion rapide, selon lui.
La COJU a aussi pointé la nécessité de revaloriser l’indemnité de piquet des procureurs, actuellement fixée à 89 centimes de l’heure. Elle réclame un délai maximal de 48 heures pour les rendez-vous dans les centres LAVI, alors qu’il faut aujourd’hui attendre jusqu’à deux semaines. Autre point crucial : la création de places d’observation spécialisées pour les mineurs en détresse. Enfin, le président de la commission a insisté sur le maintien d’un processus rigoureux en matière de naturalisations, avec des examens oraux et un contrôle systématique des antécédents.
Une réforme judiciaire annoncée pour 2026
Le conseiller d’État Stéphane Ganzer a répondu à ces préoccupations en promettant une réforme judiciaire en deux volets. Le premier touchera à la révision de la loi sur l’organisation de la justice et du Conseil de la magistrature. Le second proposera une réorganisation des tribunaux de première instance, avec une spécialisation par types d’affaires. Ces projets législatifs devraient être présentés au Conseil d’État d’ici fin 2025, pour un traitement parlementaire en 2026. Le ministre a aussi rappelé que certaines avancées récentes, "comme la création du Conseil de la magistrature ou l’augmentation des effectifs du Tribunal cantonal, avaient déjà permis une amélioration partielle du système".
Un consensus politique rare autour d’une urgence partagée
Tous les groupes parlementaires se rejoignent sur un point : il faut investir dans la justice, sous peine de voir l’ensemble du système dérailler. " Quand la justice dysfonctionne, c’est la société qui dysfonctionne ", a rappelé Éric Pitteloud. Sarah Constantin (PS) a salué le travail de réorganisation engagé au sein du Ministère public, tout en appelant à la pérennisation des postes de greffiers. Les Verts, eux, insistent sur le respect des délais légaux, notamment dans la chambre pénale. " Ce n’est pas admissible que des dossiers pénaux se prescrivent par manque de moyens ", a martelé Mathieu Clerc.
Une ligne que le Conseil d’État affirme vouloir suivre, tout en appelant le Parlement à lui donner les moyens budgétaires de mettre en œuvre la réforme.