Cinéma : un film avec les Yéniches, pour briser les préjugés
Sur la route des Yéniches. Pendant neuf ans, les cinéastes Simon Guy Fässler et Andreas Müller ont suivi ces nomades suisses souvent stigmatisés, pour briser les préjugés. Leur documentaire est projeté en Valais ce mois de février. Rencontre.

Les communautés yéniches racontées dans un documentaire. Pendant neuf ans, le cinéaste Simon Guy Fässler a suivi ces nomades suisses sur les routes et dans leurs lieux de vie, y consacrant son dernier film, « Gadjo » — coréalisé avec Andreas Müller et Marcel Bächtiger. Documentaire qui sera projeté à Sion ce lundi en présence de l’équipe du film.
Casser les clichés
Historiquement nomades, bien qu'au bénéfice du même statut de citoyen que les sédentaires, les Yéniches suisses voyagent au fil des opportunités de travail. Artisanat, outillages, cordonnerie. Mais la modernité et les places de stationnement de plus en plus rares à trouver ont entrainé la sédentarisation progressive de beaucoup d'entre eux, bon gré mal gré. Le tout en restant toujours en marge de la société. « L'évolution du monde est loin d'avoir rapproché les deux partis. Au contraire, elle a détruit les ponts qui existaient entre nomades et résidents permanents », observe Simon Guy Fässler.
Certaines communautés vivent en Valais. D’autres n’y font qu’un passage. Passage qui leur vaut leur lot de médiatisation et d’aléas : stigmatisation, déboutement, critiques. Exemple dans la presse en Valais l’an dernier : leurs caravanes ont été malvenues à Vouvry. Ils ont ensuite été escortés à Evionnaz, avant qu’ils se résignent à quitter le canton.
C’est précisément pour ce genre d’aléas que Simon Guy Fässler a voulu les rencontrer. « Les Yéniches font partie intégrante du pays et on ne connait pas bien cette culture. »
Confiance à gagner
L'entreprise aura pris presque dix ans. Si certaines familles les ont accueillis à bras ouverts, d'autres se sont montrées très méfiantes et réfractaires à l'idée d'être filmées. Simon Guy Fässler et son équipe de tournage ont dû nouer de solides liens de confiance avec leurs protagonistes avant de pouvoir utiliser leurs caméras.
« Les Yéniches ont appris à se méfier des gens qui viennent à leur rencontre, un carnet et un stylo à la main », analyse le cinéaste, qui fait référence aux actions menées par Pro Juventute jusque dans les années 70 pour éradiquer le nomadisme. « C'était leur méthode. Observer, prendre des notes, avant de revenir pour enlever leurs enfants et les replacer dans d'autres familles sédentaires. »
Permettre le vivre ensemble
Vol d'enfants. Stérilisation forcée. On le voit dans le film à travers les témoignages : ces persécutions répétées subies par les Yéniches au sein même de leur pays. Un traumatisme qui se reflète aujourd'hui dans leur caractère. « Ils font preuve d'une sorte de résilience brute de décoffrage. Certains ont été très critiques avec notre démarche, ne voyant pas l'intérêt de partager leur histoire. Du moins au début. »
Convaincu du pouvoir de l'image et du témoignage, Simon Guy Fässler espère pourtant rétablir un dialogue entre le gouvernement, la population et cette minorité. « La question n'est pas de savoir si on peut encore vivre comme ça », insiste-t-il. « Le nomadisme est plus vieux que le sédentarisme. Et si certaines familles souhaitent faire perdurer ce mode de vie, il faut leur en donner les moyens et trouver des solutions. »
Gadjo, film co-réalisé par Simon Guy Fässler est à découvrir ce lundi au cinéma de Sion. D’autres séances sont prévues en Valais en présence de l’équipe du film. A Monthey le 20 février et Martigny, le 27.